Collaborateur de nombreux architectes (dont Le Corbusier, ou Prouvé), membre du Groupe international d’architecture prospective (Giap), l’ingénieur architecte aura finalement peu construit. Pour l’essentiel, son œuvre bâtie se résume à trois maisons, dont celle réalisée en 1968 pour le sculpteur Arman, à Vence. Il aura consacré une grande partie de sa carrière à la recherche et à l’enseignement, d’abord en Syrie (1970-1978), puis au Maroc (1979-1987). Les migrations successives de ce natif de Sumatra ayant grandi entre trois pays – l’Indonésie, la France et les Pays-Bas – expliquent sans doute son approche libre et transdisciplinaire. Dès ses premiers projets, la mobilité est en effet au cœur de sa réflexion.
Les cabanons de vacances
Guy Rottier et Charles Barberis se rencontrent sur le chantier de l’Unité d’Habitation de Marseille. Le premier dirige les travaux dans une première phase du chantier et le second est un des adjudicataires du lot menuiserie. Après avoir réalisé le cabanon de Roquebrune-Cap-Martin pour le compte de Le Corbusier, Charles Barberis imagine pouvoir poursuivre l’expérience, comme Le Corbusier lui-même l’avait envisagé, dans une perspective industrielle de production en série. Ces études n’ayant pas de suites opérationnelles, le menuisier se tourne vers Guy Rottier pour poursuivre le projet. Entre 1958 et 1962, deux prototypes sont réalisés à l’atelier de menuiserie de Villeneuve-Loubet : le cabanon/maison des parents (UV366) et le cabanon/maison des enfants (CC215) (sur la même parcelle, Guy Rottier concevra dans le même temps une villa pour Barberis qui sera réalisée en deux temps : de 1960 à 1989).
Quelques exemplaires seulement du cabanon seront commercialisés dont une petite série pour la ville d’Antibes. Ils sont aujourd’hui non localisés.
Une photo en noir et blanc de 1958 montre son cabanon de bois pour enfant installé sur une charrette tirée par des chevaux. Le projet est mené avec Charles Barberis, menuisier de la cité radieuse de Marseille et qui réalisa le cabanon de Le Corbusier à Cap-Martin. L’objectif de production en série n’aboutira pas, les services administratifs refusant de l’homologuer. L’épisode marquera durablement Guy Rottier, bientôt réfractaire aux traditions et autres règlements.





La maison volante de vacances
Quelques années plus tard, en 1964, le duo Rottier-Barberis présente au Salon des arts ménagers à Paris La Maison de vacances volante , une caravane-hélicoptère aménagée pour une famille de quatre personnes. Un plan de coupe détaille avec précision son aménagement, avec, par exemple, une porte-fenêtre basculante à l’arrière de la cabine pouvant faire office de terrasse. Cette forme d’habitat rend « accessible des lieux jusque-là réservés aux seuls alpinistes », précise son auteur. Autre proposition : un abri de week-end, qui peut être suspendu dans les arbres et dont la forme, en capsule, évoque celle d’une sonnette de vélo. Rottier manipule les éléments, les combine, pratique le détournement, pour s’émanciper de toute contrainte esthétique ou physique liée au contexte.









En mars 1964, avec la collaboration de Charles Barberis, Guy Rottier expose une Maison de vacances volante au Salon des Arts ménagers à Paris. Cette maison consiste en une caravane-hélicoptère dont la coque en plastique peut abriter une famille de quatre personnes (deux adultes et deux enfants). Conçue à l’image des caravanes ou des bungalows préfabriqués, elle comporte une cabine de pilotage, un vivoir avec lit pour les parents et lits superposés pour les enfants, un coin cuisine, un coin toilette-douche. La coque de 4,90 m sur 2,90 m est en matières plastiques. Un système de propulsion à turbines et compresseurs équipe l’appareil. Le réservoir de carburant, situé sous le plancher de la coque, permet un rayon d’action pouvant aller de 50 à 100 km. Un espace de dix mètres carrés suffit à l’appareil pour se poser. « Cette forme d’habitat de vacances rend accessibles des lieux jusque-là réservés aux seuls alpinistes. En ce qui concerne l’étendue pouvant être parcourue, de vastes parcs pourront être aménagés en dehors desquels il ne serait pas souhaitable d’évoluer afin d’éviter toute promiscuité avec d’autres types de maisons ». (G.R.) Pour l’architecte, cette maison-manifeste affirmait simultanément la liberté d’expression en architecture, le libre choix du site et des matériaux de construction. Elle offrait « le luxe de s’échapper et de jouer avec les lois, les esprits, les propriétés, en d’autres termes de s’offrir un peu de liberté. C’était une idée qui aurait pu devenir réalité, une idée qui se réalisera un jour ». (Guy Rottier) Nadine Labedade pour le FRAC Centre
Source: Le Moniteur (2018, extrait)
